Angèle Vannier, poétesse Bretonne

de l’ombre et de la lumière

Née le 6 mars 1917 à Saint-Servan, en Ille-et-Vilaine, Angèle Vannier est une figure singulière et encore trop méconnue de la poésie française du XXᵉ siècle. Bretonne de sang et d’imaginaire, elle a su faire résonner dans ses vers une voix d’une intensité rare, sculptant un univers où l’ombre côtoie la lumière, où la nuit devient source de visions.

La nuit comme royaume

Aveugle à vingt ans, Angèle Vannier n’a pourtant jamais cessé de voir. Elle a su transformer la nuit en royaume intérieur, peuplé d’images puissantes et de sensations ardentes. Dans son recueil Le Poids d’un visage, elle écrit :

« La nuit me prend pour sœur
Et dans son ventre clos
Je creuse un puits de lueurs
Pour boire un peu de ciel. »

La cécité devient ainsi la matrice d’une poésie sensorielle, dense, où la langue est le lien vivant avec le monde.

Une Bretagne intime et cosmique

Fille de la mer et des légendes, Angèle Vannier puise dans sa terre natale une inspiration à la fois âpre et féerique. La Bretagne qu’elle évoque n’est pas un décor, mais un espace intérieur, un mythe habité :

« J’ai des îles au fond des yeux clos
Des îles levées du sel et du vent
Où l’ombre est plus claire que l’aube. »

Ses vers sont à la fois minéraux et marins, rudes comme le granit et mouvants comme les marées, empreints d’une présence charnelle du paysage.

L’amour et le vertige

Poétesse de l’amour, Angèle Vannier ose aussi dire le vertige du désir, le poids des corps et la brûlure de l’absence. Son écriture, tour à tour incantatoire et pudique, sait capter la violence comme la tendresse :

« J’ai mordu tes lèvres jusqu’au sang
Pour qu’en moi reste un peu de toi
Quand la nuit m’aura rendue à l’ombre. »

Ses poèmes portent cette tension entre passion et solitude, brûlure et silence.

L’art de la psalmodie

Son style, d’une grande musicalité, se distingue par une scansion ample et grave. La parole d’Angèle Vannier semble venir de loin, comme une prière païenne ou un chant rituel. Dans Du bout des ténèbres, elle confie :

« J’avance à tâtons dans mes mots
Mais mes mots ont des ailes de feu
Et chaque mot éclaire un peu
L’invisible sentier qui me porte. »

Ces vers disent à la fois la fragilité et la force de sa démarche poétique.

Une voix discrète mais essentielle

Couronnée par le prix Antonin Artaud en 1950, Angèle Vannier collabore avec des compositeurs comme Pierre Boulez et participe à la vie littéraire et radiophonique. Pourtant, elle reste en marge des grandes anthologies et des circuits éditoriaux.
Son œuvre, redécouverte peu à peu, touche par sa sincérité et sa tension vers la lumière, jusque dans la douleur.

« Je ne suis pas née pour les clairières
Mais pour semer des astres dans la nuit. »

Héritage et modernité

Angèle Vannier s’éteint en 1980 à Bazouges-la-Pérouse, laissant derrière elle des recueils puissants, à la fois mystiques et charnels. Aujourd’hui, sa poésie trouve un écho nouveau chez celles et ceux qui sentent que la nuit peut être féconde, et que l’aveuglement peut devenir une autre forme de clairvoyance.

Angèle Vannier nous laisse une leçon d’écriture et de vie : faire naître la clarté du cœur au milieu de la nuit.

Créez votre propre site internet avec Webador